Fable
Le
basset, la poule et les cinq
poussins
Un
basset présomptueux dirigeait
une ville prétentieuse du haut
de sa mairie refaite à neuf.
Tout allait pour le mieux dans
le meilleur immonde : les
magouilles battaient leur plein,
les pitbulls à képis arrêtaient
les voleurs à la petite semaine
et ciraient les souliers des
plus corrompus avec des ronds de
jambes écœurants.
Les uns s'enrichissaient bien au
dessus des lois, les autres
mangeaient la poussière au
moindre pet de travers sur la
voie publique. Pourtant ce cador
élu n'était pas malhonnête mais
il fermait les yeux sur les
agissements de ceux qui
l'avaient aidé dans sa campagne.
Bien mal entouré en vérité, il
semblait flotter sur un petit
nuage d'ignorance et se
délectait de discours en
inaugurations de toutes sortes.
Une
poule seule avec ses cinq
poussins vint à passer dans son
bureau pour demander un logement
dont elle avait vraiment besoin.
Ceci n'était pas de son ressort,
prétendît-il, et il l'orienta
vers l'un de ses adjoints qui
s'occupait grassement de ce
domaine...
N'étant
recommandée par personne, pas
encartée non plus et n'ayant pas
de brouzoufs pour graisser la
patte de son interlocuteur qui
n'attendait que cela, il lui fit
remplir un dossier qu'il fit
glisser sous une pile de trois
mètres après son départ.
D'hôtels
en foyers, d'hébergements
amicaux en galères diverses,
elle attendit et attendit...
Au
bout de longs mois, sans réponse
et sans espoir d'en avoir une un
jour, elle décida de retourner
voir le basset et d'occuper son
bureau avec ses cinq poussins
jusqu'à ce qu'on lui trouvât un
logement. L'hiver approchait et
cela devenait urgent. L'édile à
courtes pattes fit bien appel
aux pandores pour la faire
sortir mais elle avait pondu
tant d'œufs sur le
douillet tapis qu'ils
renoncèrent à entrer. Les cinq
poussins piaillaient à tue-tête
et faisaient leurs besoins
partout sur l'acajou et le cuir
bien trop épais pour être
honnête, la poule pondait sans
arrêt et bientôt le maire dut
abandonner les lieux. Il alla
trouver son adjoint et le somma
vertement de trouver un
poulailler pour cette
encombrante famille.
En
dix minutes, cela fut fait,
l'adjoint dut simplement rendre
une enveloppe à un renard
célibataire. La poule fut
avertie et cessa de pondre
immédiatement. Le lendemain,
elle aménageait avec ses
poussins dans un joli cinq
pièces...
Comme
quoi, si t'as pas de piston,
faut vraiment se casser le cul
pour trouver un appartement !
Laurent
Potelle