Fable
Le
siamois et le dog allemand
Dans
l'immense territoire inconnu de
la bêtise humaine, aux confins
de l'inacceptable, vivaient un
siamois vicieux et un dog
allemand plus pataud que
méchant.
Ils
ne s'entendaient pas très bien,
à vrai dire il ne s'entendaient
pas du tout. Le minou avait
perdu l'ouïe dans un combat de
coq et les dents du molosse
teuton étaient tombées dans une
soupe trop chaude, ce qui
l'avait laissé sans voix. Depuis
son aboiement ressemblait à un
silence nostalgique et le chat
ne le craignait plus.
Au
contraire, lorsque le matou
miaulait pour un oui ou pour un
thon, le chien muet tremblait de
tous ses muscles et se pissait
dessus. Le chat n'avait pas
remarqué tout de suite la
panique que provoquaient ses
couinements ridicules sur son
colocataire.
Mais
lorsqu'il s'en était aperçu,
trop heureux de pareille
aubaine, il s'était mis à user
et abuser de son pouvoir sur le
pauvre fauve. Celui-ci était
devenu son jouet, sa chose, son
esclave de terreur.
Il
le laissait manger et boire dans
sa gamelle, dormir sur lui et
voler ses jouets, piétiner ses
plates bandes et vider ses
bouteilles. Pourtant, un jour où
il le taquinait avec ses griffes
là où ça fait mal, le colosse
aphone le décapita d'un réflexe
inopiné hérité sans doute d'une
pratique coutumière de ses
ancêtres. Le siamois eut beau
courir après sa tête, il ne la
retrouva jamais...
Comme
quoi faut jamais embêter les
grands costauds, surtout s'ils
n'ont pas une grande gueule !
Laurent
Potelle